L'invité de C dans l'air - Dr Boris Chaumette
Avec les récents drames survenus à Reims ou à Bordeaux qui ont marqué l’actualité du mois de juin, la psychiatrie est une fois de plus placée sous les projecteurs, souvent de manière anxiogène. Ces faits divers tragiques, largement relayés dans les médias, suscitent des débats passionnés et une récupération politique sur la question de la dangerosité supposée des personnes atteintes de troubles psychiatriques.
Pour apporter un éclairage scientifique et nuancé, le Dr Boris Chaumette, psychiatre au GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences, était l’invité de l’émission C dans l’Air du 21 juin 2023.

La psychiatrie confrontée aux faits divers
Après les drames qui ont coûté la vie à une grand-mère et sa petite-fille à Bordeaux, et à une infirmière à Reims, la société s’interroge une nouvelle fois sur le lien entre troubles psychiatriques et violence. Pourtant, les études sont sans appel : la grande majorité des personnes souffrant de troubles mentaux ne sont pas violentes. Selon l’OMS, moins de 5 % des actes violents sont directement liés à une maladie mentale sévère.
Boris Chaumette le rappelle avec force sur le plateau de Caroline Roux : stigmatiser les personnes atteintes de schizophrénie ou d’autres troubles psychiques ne fait qu’aggraver leur isolement et retarder leur accès aux soins. Or, les troubles psychiatriques peuvent bénéficier d’une prise en charge efficace, surtout s’ils sont diagnostiqués précocement.
Schizophrénie : de quoi parle-t-on ?
Sur le plateau, le Dr Chaumette prend le temps de définir la schizophrénie, maladie souvent mal comprise et associée à tort à la violence dans l’opinion publique.
- La schizophrénie touche environ 1 % de la population mondiale, soit près de 600 000 personnes en France.
- Elle débute généralement entre 15 et 25 ans.
- Les symptômes sont variés : hallucinations, idées délirantes, troubles de la pensée ou repli social.
- La schizophrénie n’est pas synonyme de dangerosité. En réalité, les personnes atteintes sont bien plus souvent victimes que auteurs de violences.
Le psychiatre insiste : « Il y a eu d’énormes avancées ces dernières années. Nous avons de meilleurs traitements, une meilleure compréhension des mécanismes de la maladie et surtout, la conviction qu’une prise en charge précoce change radicalement le pronostic. »
L’importance cruciale de la prévention et de la prise en charge précoce
Au-delà de la définition des maladies psychiatriques, Boris Chaumette rappelle combien la prévention est essentielle.
- Plus un trouble est pris en charge tôt, meilleures sont les chances de rétablissement.
- Des programmes de détection précoce existent aujourd’hui, notamment dans des structures comme les centres d’intervention précoce.
- L’accompagnement psychothérapeutique, social et médical permet à de nombreux patients de mener une vie autonome et stable.
Il déplore toutefois un système de soins sous tension. En France, on compte en moyenne 15 psychiatres pour 100 000 habitants, un chiffre en baisse et insuffisant pour répondre à l’augmentation des besoins en santé mentale, surtout après la pandémie de COVID-19.
La stigmatisation : un danger pour les patients et les soignants
L’un des messages les plus forts de l’intervention du Dr Chaumette concerne la stigmatisation. Les faits divers contribuent à entretenir la peur et la méfiance vis-à-vis des personnes vivant avec des troubles psychiatriques. Cette stigmatisation :
- retarde le recours aux soins,
- isole davantage les patients,
- nuit à la prévention,
- et impacte aussi le moral des professionnels de la santé mentale.
Il rappelle que « la psychiatrie a fait des progrès majeurs en dix ans », mais qu’elle reste trop souvent réduite, dans l’espace public, à l’image de la violence. Il est indispensable de changer ce regard.
Face à la complexité des enjeux de santé mentale, la parole de professionnels comme celle du Dr Boris Chaumette est précieuse pour informer sans dramatiser. La psychiatrie n’est pas synonyme de violence, et la schizophrénie est une maladie qui peut se soigner. Pour avancer, il faut plus que jamais lutter contre la stigmatisation et renforcer la prévention.
Pour voir l’intervention complète de Boris Chaumette, retrouvez l’émission C dans l’Air du 21 juin 2023.